Body Positivisme: un chemin à sens unique?

Ca fait un moment que ce sujet me trotte dans la tête. Je ne m’étais pas encore vraiment décidée à l’écrire jusqu’à la semaine passée, suite à une publication sur mon compte Instagram (la photo de couverture de cet article). Si j’avais déjà mon opinion bien forgée sur le sujet, je n’étais pas sûre de sa réception et par facilité, j’avais décidé de laisser la publication de cet article à plus tard. Seulement, mon tempérament étant ce qu’il est, je ne pouvais contenir plus longtemps mon désir de vous partager mon avis sur la question.

Je laisse toujours beaucoup de temps passer avant de réagir aux critiques. Certes comme tout le monde, j’ai des impulsions, des envies de sortir tout ce qui me passe par la tête à l’instant même où ces dernières font surface mais avec les années, j’ai appris qu’il était toujours plus judicieux de laisser reposer ses idées avant de réagir, à tout le moins pour éviter tout regret ou faux-pas inutiles. C’est ce que j’ai fait à nouveau cette fois-ci suite ma publication sur mon compte Instagram d’une photo de moi en maillot. J’en ai déjà publié avant, rien de nouveau dans tout cela mais pour le première fois, j’ai eu droit à des commentaires à tout le moins déplacés qui m’ont amené à revenir au sujet de cet article que je tardais temps à écrire.

Ces commentaires m’accusaient en résumé d’être anorexique et me sommaient impérativement de manger. Je ne prends pas, et ne prendrai jamais, de tels mots à la légère, ayant souffert il y a des années, pendant mon adolescence d’anorexie mentale. Ces personnes qui se permettent d’écrire ces mots ne se rendent à mon sens absolument pas compte de l’agressivité de tels propos. L’anorexie n’est pas un sujet léger ou drôle. C’est une maladie grave, difficile à traiter et qui dans bien des cas se termine en drame. L’anorexie c’est une morte à petit feu, un désir inexorable de disparaitre petit à petit d’un monde auquel on n’arrive plus à faire face. Ce n’est pas simplement la décision de ne pas manger. C’est un malêtre profond, un sentiment de culpabilité inexplicable et une recherche de reprise de contrôle de sa vie sous sa forme la plus instinctive.

J’ai souffert d’anorexie mentale à 16 ans. Il m’a fallu environ 5 ans pour arriver à m’en sortir. Pendant la première année, je n’ai pas mangé pour ainsi dire et en l’espace de quelques semaines, j’en suis arrivée à peser 48kg pour 1m78. Je ne suis jamais descendue plus bas, ayant la menace de l’hospitalisation comme épée de Damoclès. Heureusement pour moi, ma thyroïde a cessé de fonctionner correctement suite à ma perte de poids rapide, ralentissant mon métabolisme et empêchant les chiffres de dégringoler sur la balance. Au bout de cette période d’un an, j’ai pu me reprendre en main. Je suis restée à un poids bien trop faible pendant encore 4 ans, m’affligeant un sacerdoce dans mon alimentation mais au moins je mangeais équilibré. Je souffrais alors d’orthorexie. Ce n’est que suite à mon départ de la maison et mon erasmus aux Etats-Unis que j’ai pu réapprendre le plaisir de manger, de goûter à des choses nouvelles, et surtout d’oser manger des aliments que je m’interdisais comme le chocolat, les pizzas, les frites, les bonbons, les glaces et j’en passe.

Je vous raconte tout cela pour vous montrer combien je ne prends pas ce sujet à la légère. Aujourd’hui, je ne souffre absolument plus d’anorexie. Cela fait même 10 ans que tout ça est derrière moi. J’ai un IMC normal, je mange de tout et je ne m’astreins à aucun régime particulier.

En réalité, je ne devrais pas à avoir justifier tout ça mais dans mon quotidien, les remarques fusent et bien que je devrais y être habituée, je ne m’y fais pas. N’est-il pas paradoxal d’entendre parler sans cesse de body positivisme et de voir qu’en réalité ce mouvement, si louable qu’il soit, ne s’exerce que dans une seule et unique direction? En tant qu’ex-anorexique, je suis plus que ravie de voir qu’il y a une prise de conscience sociale sur notre vision tronquée du corps de la femme et surtout une réaction au body bashing que toutes, nous nous infligeons quotidiennement. Je ne connais que trop bien ce sentiment de ne jamais se sentir assez bien dans sa peau. Quand bien même mon anorexie est derrière moi, je ne suis pas en mesure de me sentir autrement que toujours trop “lourde”. C’est un sentiment difficilement explicable. Disons simplement que ce que ma raison sait être sain et normal, n’est pas ressenti comme tel. Le coeur a ses raisons que la raison ne connait point. C’est un sentiment avec lequel j’ai appris à vivre.

Ce que je n’ai pas appris par contre c’est à vivre avec des commentaires incessants sur mon physique. Je suis mince et je ne prends pas de poids facilement. Je peux manger ce que je veux sans craindre ma balance. Un peu comme une petite fille riche qui n’aurait pas le droit de se plaindre d’un malheur, je subis au quotidien des remarques dans tous les sens sur mon physique. Certains sont dits sans véhémence aucune mais ne me laisse pas moins ressentir une gêne ou un malêtre. D’autres sont carrément vexants comme ceux que j’ai reçu suite à ma publication Instagram. Dans les deux cas, je n’ai pas le droit de me plaindre, quand bien parfois ces remarques sont émises par des personnes ayant le sujet du body positivisme à coeur. Je dois prendre tout ça avec une acceptation sans borne car j’ai la fameuse chance d’être mince. Sois mince et tais-toi devrait-il être la devise?

Et, on ne peut que se demander où est le body positivisme là-dedans? Car n’est-ce pas l’idée fondatrice du body positivisme que tous les corps sont de bons corps? N’est-ce pas la base première de ce mouvement de ne porter aucun justement sur le corps d’autrui? Mon sentiment dans tout ça c’est que malgré les bases positives de ce mouvement, il y a encore et toujours une propension à penser le corps de la femme que d’une seule façon et gare à celles qui ne rentrent pas dans le moule. Nous avons toutes des constitutions différentes mais nous ne pouvons nous empêcher de juger et de faire place aux préjugés immédiats vis-à-vis du corps féminin. Une remarque m’a particulièrement affecté concernant l’apparence trop flagrante de mes côtes ou ma cage thoracique. La personne sait-elle combien cette cage justement est source de complexe chez moi? A-elle simplement pensé avant d’écrire son tissu d’insultes que la vision de ces côtes n’est en réalité que le résultat d’un cage thoracique disproportionnément grande par rapport au reste de ma silhouette et que même avec 7 kg en plus (ce que j’ai déjà eu suite à la prise d’un pilule qui m’a fait prendre du poids), elle restait tout aussi apparente, à mon plus grand regret?

Enfin, comment cette personne et la société en général accueilleraient de ma part des remarques ou commentaires sur le physique d’une personne en surpoids? Ne serais-je pas fustigée par tous si j’avais osé commenter sous une photo de cette même personne en maillot qu’elle se devait de se mettre au régime ou tout simplement d’arrêter de manger? Si la proposition peut sembler choquante elle est identique à sa situation inverse. Elle fait tout aussi mal.

Je vous laisse méditer là-dessus…

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7 Comments

  1. Aude
    04/23/2018 /

    Bravo pour cet article courageux et bien écrit .

    • madebyf
      04/25/2018 /

      Merci Aude!

  2. 04/23/2018 /

    Hello,

    Je te suis depuis quelques temps déjà sur insta de manière assez discrète j’avoue.
    Je ne sais pas trop comment je suis tombée sur cet article….mais le titre m’a interpellée, étant une partisane du body positive.

    Je comprends ton point de vue et comprend tout à fait que tu ai été touchée par cette situation.
    Par contre, je ne suis pas d’accord avec toi sur une chose. Les crétins qui t’ont laissé des commentaires blessant sur ton physique n’ont absolument pas de lien avec le body positive (même s’ils essayent de prétendre le contraire)….ce sont juste des rageux qui sont eux-même complexés! Les gens sont doués pour ce genre de choses, rejeter leurs complexes sur les autres et toucher là où ça fait mal…encore plus derrière un écran!
    Le body positive, le vrai, s’adresse à tous les corps sans exception, grand, petit, gros, maigre, handicapé,…il défend la diversité sous toutes ses formes.

    Je peux t’assurer pour l’avoir vécu dans l’extrême opposée puisque j’ai trop de poids, qu’en recevant des commentaires déplacés, les gens ne prennent pas non plus ta défense si tu sembles être isolées…par contre, lorsque je semble entourée et non isolée, ces même crétins choisissent de se taire.
    J’ai énormément souffert (souffre encore) du regard que les autres portent sur moi et du jugement qui en découle parce que je ne rentre pas dans une case mais dis-toi qu’ajd’hui les médias qui parlent de B.P. sont aussi ceux qui expliquent aux femmes “comment perdre 3 kilos pour se sentir bien dans son maillot”….pour eux, ce n’est malheureusement qu’un moto commercial malheureusement.
    La preuve? après un réel engouement, il y a de plus en plus de marques de grandes distributions qui font marche arrière et retirent des magasins physiques les rayons grandes tailles…tout en continuant de développer les rayons sur le net.
    Crois-moi certaines situations vécues en magasins physique par rapport à ce problèmes des tailles m’a vraiment fait sentir le ” les grosses on veut bien votre argent mais on veut pas trop vous voir passer nos portes”.

    Je me suis permise de laisser ce commentaire parce que je trouve dommage que le body positive ne te semble pas être positif à ton encontre justement….et pour te dire qu’au final s’attaquer à un physique, c’est petit, nul et lâche pour moi. Malheureusement, il est impossible que les gens s’arrêtent d’utiliser cette arme pour se sentir exister…le mieux c’est de réussir à les ignorer…

    Oups! désolée pour le pavé!

    • madebyf
      04/25/2018 /

      Hello ma belle, merci pour ton témoignage! Je suis en réalité tout à fait d’accord avec toi et je savais que ce commentaire viendrait donc c’est bien que ce soit toi qu’il l’ait soulevé. Ce que je voulais surtout dire c’est je rencontre beaucoup de gens qui prônent le body positivisme mais qui se permettent de faire des remarques déplacées. Ce sont eux qui ne sont pas en mesure de pratiquer cette philosophie comme elle devrait elle mais au final ça démontre que la société n’a pas encore réussi à concilier cette vision en pratique. Une philosophie si louable soit-elle ne peut pas être ressentie ou vécue comme elle le devrait si même ses plus fervents défenseurs ne sont pas en mesure d’appliquer ses principes dans leurs actions. Je voulais montrer qu’il y a encore un décalage finalement entre les mots et les actions. Une philosophie de vie pour moi ne sert à rien si elle ne reste que des mots sur papier. Je pense qu’on se rejoint là-dessus! Encore merci pour ton message!

      • 04/30/2018 /

        Tout à fait, je te rejoins totalement là-dessus!
        Il y a encore énormément de travail à faire avant qu’il ne soit plus nécessaire de rappeler régulièrement ce qu’est le body positive!

  3. Anne Sophie
    04/25/2018 /

    Superbe article et très touchant ma belle tu es superbe et dis toi qu’il y a toujours des gens qui ont besoin de descendre les autres pour se sentir mieux mais c’est parce qu’ils ont victime de leur propre mal être !

    Tu as tout pour toi!

  4. Louise
    04/25/2018 /

    Merci pour cet article, hyper intéressant et hyper bien écrit. Félicitation pour ce témoignage courageux.

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